A l’heure de la décarbonation de nos modes de vie et de la prise de conscience de la vulnérabilité de l’Europe face à son approvisionnement énergétique, la question de la consommation de carburants et combustibles fossiles devient centrale ; quelles sont les options envisagées pour produire des hydrocarbures alternatifs et bas-carbone à destination de l’industrie et des transports ? Souvent présentés comme providentiels par les secteurs « Hard-to-Abate », quels sont leurs réels potentiels ? Quels sont les freins à lever pour développer leurs productions et usages ?
Les combustibles et carburants sont aujourd’hui majoritairement fossiles
Les combustibles sont des composés chimiques qui ont la faculté de brûler. Dans l’industrie ou les transports, les principaux combustibles utilisés sont les produits pétroliers, le charbon et le gaz naturel, du fait de propriétés chimiques très favorables notamment pour générer de la chaleur et actionner des mouvements mécaniques.
Lorsque le combustible est utilisé dans un moteur, transformant l’énergie chimique en énergie mécanique, on parle de carburant. Les carburants sont essentiellement destinés au secteur des transports.
Les combustibles fossiles (principalement des produits pétroliers raffinés, du gaz naturel ou encore du charbon) représentaient plus de 61% de la consommation d’énergie finale française en 2022. Les combustibles renouvelables comptaient pour moins de 10% de cette énergie consommée en France en 2022. Ces combustibles renouvelables sont aujourd’hui majoritairement composés de biomasse solide (bois), de déchets urbains, de Bio-fuels ou de biogaz.
Leur production et leur usage, notamment dans l’industrie lourde et dans le secteur des transports, sont des enjeux clés en termes de dépendance aux énergies fossiles provenant pour une grande partie de l’étranger, et de décarbonation de notre économie. Ils sont de fait des éléments centraux des plans européens REPowerEU et Fit for 55.
Près de 30% des combustibles renouvelables en France sont des Bio-fuels utilisés dans les transports. Ces Bio-fuels sont aujourd’hui majoritairement du biodiesel, d’origine
végétale, animale ou de synthèse.
Les deux grandes familles de carburants de synthèse
Les hydrocarbures se trouvent être au cœur d’une multitude d’usages contemporains (transport aérien, maritime, industries lourdes …) pour lesquels l’électrification ou les autres solutions de décarbonation ne sont pas nécessairement pertinentes à l’échelle des besoins. Par conséquent, la faible substituabilité des hydrocarbures ouvre une voie aux combustibles et carburants de synthèse, produits à partir de sources renouvelables : les Bio-fuels (représentés sur le graphe ci-dessus) et E-fuels, dont l’usage est aujourd’hui encore négligeable.
Ces deux grandes familles de produits visent à reproduire le plus fidèlement possible les carburants fossiles. Ils sont synthétisés à partir de matières premières renouvelables. Ces combustibles de synthèse bas carbone peuvent tous être bio comme électro sourcés, avant d’être transformés par des procédés pétrochimiques bien maîtrisés et utilisés dans les raffineries contemporaines.
Une grande diversité de Bio & E-fuels
- Parmi les combustibles les plus courants, le méthane est notamment utilisé dans l’industrie, mais aussi les transports – sous forme de Gaz Naturel Véhicule / Gaz Naturel Comprimé – et le chauffage des bâtiments. Le méthane fossile a vu sa consommation mondiale augmenter de 60% en 20 ans et représentait 40% de la facture énergétique française en 2022 (payée aux pays exportateurs d’hydrocarbures fossiles). Pour minorer les émissions de GES liées à sa combustion, la production de biométhane, largement déployée en Europe à partir de matières et déchets agricoles, s’avère être une solution économiquement viable tant que les ressources en biomasse sont disponibles à prix compétitif. Bien qu’encore confidentielle ou en phase de développement, la production de E-méthane par processus de méthanation (réaction de CO2 capturé et valorisé avec de l’hydrogène bas carbone) est possible et fait l’objet de grandes initiatives nationales comme par exemple en Allemagne.
- Les carburants routiers disposent également de solutions de décarbonation déjà matures et très répandues. Les carburants de type diesel peuvent être biosourcés à partir d’huiles végétales ou animales, on parle alors de biodiesel ou de biogazole, qui font partie des agrocarburants. Diverses cultures oléagineuses sont propices à la production de biodiesel comme par exemple le colza (très utilisé en France), le tournesol, le soja ou l’huile de palme. Le biodiesel est aujourd’hui souvent mélangé avec du diesel fossile, mais peut également devenir unique combustible dans certains moteurs compatibles « B100 » (100% de biocarburant). 40 Mt de biodiesel ont été consommé dans le monde en 2021, soit près de 2% de la consommation mondiale de carburants routiers. Les cinq principaux pays producteurs étant les Etats-Unis, l’Indonésie, le Brésil, l’Allemagne et la France.
- Toujours dans la famille des agrocarburants, le bioéthanol est un substitut aux carburants routiers de type essence. Les moteurs conventionnels fonctionnent parfaitement avec des mélanges d’essence fossile et de bioéthanol (comme le carburant E10, très répandu en France), mais certains moteurs sont aujourd’hui compatibles avec des carburants au dosage d’éthanol plus important (E85 voir E100). Cette voie « alcools » utilise notamment le procédé de fermentation des plantes sucrières, mais aussi d’autres cultures comme le maïs. La consommation de bioéthanol atteignait en 2021 environ 50 Mt, soit près de 2,5% de la consommation mondiale de carburants routiers. Les deux principaux producteurs mondiaux sont les Etats-Unis et le Brésil.
- D’autres combustibles et carburants de synthèse sont le fruit de procédés bas-carbone. L’ammoniac (NH3) peut-être produit à partir d’hydrogène obtenu par électrolyse de l’eau avec de l’électricité bas-carbone, on parle alors d’E-ammoniac. Ce potentiel combustible a des usages traditionnels industriels (engrais, chimie) mais est aussi envisagé comme substitut aux carburants maritimes. Ce composé chimique largement utilisé et transporté à l’échelle mondiale (180 Mt en 2020) est aujourd’hui principalement produit par reformage de gaz naturel, engendrant actuellement 2,4 tonnes de CO2 par tonne d’ammoniac produite.
Avant de faire un focus sur le biométhanol, le E-méthanol et les carburants d’aviation durables – (BioSAF et E-SAF) qui ont leurs propres spécificités, arrêtons-nous sur les principaux freins au déploiement des Bio & E-fuels mentionnés ci-dessus.
Les principaux freins inhérents à la production de bio & E-fuels
Disponibilité des ressources
Les besoins en matière de décarbonation des combustibles et carburants sont immenses et les ressources nécessaires à la production de Bio-fuels et E-fuels sont disponibles en stock limité, et sujettes à forte concurrence avec les besoins d’autres secteurs basés sur ces mêmes ressources ou devant décarboner leur activité.
C’est par exemple le cas de la biomasse qui est aujourd’hui très sollicitée alors que les écosystèmes doivent faire le fruit d’une préservation accrue. Le recours à la biomasse pour la production de carburants et combustibles entre également en concurrence avec des usages essentiels comme la production agricole, l’utilisation des espaces et de l’eau.
Les nouvelles directives européennes poussent d’ailleurs les pays membres à limiter l’usage de plantes alimentaires dédiées à la production des divers agrocarburants (qualifiés de biocarburants de première génération). La France discute également actuellement la hiérarchisation des usages dans l’accès aux ressources en biomasse sur son territoire.
L’électricité est également une ressource contrainte du fait des capacités de production et des réseaux électriques, d’autant plus que celle-ci doit être bas carbone pour que la production de E-fuels ait un sens en matière de décarbonation.
La production de carburants et combustibles synthétiques bas-carbone pâtit de rendements énergétiques souvent faibles (ratio énergie finale sur énergie primaire), ce qui renforce les besoins en ressources et la pression concurrentielle et environnementale qui s’en accompagne.
A titre d’exemple, la production d’1 MWh de E-SAF demande aujourd’hui environ 5 MWh d’électricité bas-carbone, soit un rendement énergétique de 20%.
Compétitivité économique
En tant que reproduction des combustibles et carburants fossiles, par imbrication de transformations chimiques complexes et énergivores, les Bio-fuels et E-fuels ne sont intrinsèquement pas compétitifs en termes de prix avec les combustibles fossiles, en étant à date, souvent plus de deux fois plus chers.
Néanmoins, plusieurs éléments pourraient permettre aux coûts de revient des Bio-fuels et E-fuels de converger vers le prix des combustibles fossiles dans les décennies à venir :
- Déploiement massif des capacités de production, d’électrolyse et de la génération d’électricité bas carbone (en ce qui concerne la production de E-fuels).
- Optimisation du rendement énergétique de chaîne des Bio-fuels en injectant de l’hydrogène bas carbone (devenant ainsi des Bio-E-fuels).
- Taxation carbone négative appliquée aux énergies fossiles, et positive pour le CO2 valorisé.
- Volatilité des prix des combustibles fossiles due à leur raréfaction géologique et aux conflits géopolitiques.
Compétition d’usage
Les substituts aux combustibles fossiles adressent une multitude de besoins auprès d’acteurs industriels comme des particuliers, et concernent la majeure partie de la consommation d’énergie finale mondiale.
Les secteurs « Hard-to-Abate » qui ne disposent pas aujourd’hui d’alternatives aux combustibles fossiles, sont les premiers intéressés au développement de ces filières de production car les besoins sont immenses pour atteindre les objectifs réglementaires et les annonces de décarbonation.
La compétition entre les principaux secteurs de l’économie qui doivent se décarboner (transports, industrie, construction, agriculture), pourrait entraîner des conflits d’usage et des problèmes d’approvisionnement suffisant en Bio-fuels et Efuels.
Certains secteurs pourraient en effet ainsi s’accaparer les ressources en combustibles et carburants alternatifs, biomasse, électricité bas-carbone, au détriment d’autres secteurs, du fait de décisions politiques ou d’une meilleure acceptation par le consommateur final du surcoût qu’impliquent les carburants alternatifs.
Une stratégie globale doit être adoptée pour éviter une mauvaise allocation de ces ressources contraintes.
Focus #1 – Le méthanol
1 – Principaux usages
Le méthanol, également appelé alcool de bois, est aujourd’hui presque intégralement produit via le reformage du méthane ou la gazéification de charbon, qui sont des procédés industriels très émetteurs de CO2. Il fait cependant partie de ces nombreux combustibles pouvant être synthétisés à partir de procédés ayant recours à la biomasse ou bien de l’électricité bas-carbone.
Cette molécule est historiquement très utilisée dans l’industrie chimique. En 2022, 111 Mt ont été produites, soit près de deux fois plus qu’en 2010, représentant un marché de plus de 40 milliards de dollars.
C’est cependant pour sa capacité à se substituer aux hydrocarbures fossiles dans certains usages, et notamment en tant que carburant maritime, que le méthanol représente une opportunité de décarbonation significative s’il est bio ou électro sourcé.
Le méthanol jouit en effet de plusieurs caractéristiques favorables lui permettant d’être envisagé comme carburant dans les transports :
- il est liquide à température et pression ambiante,
- il possède 40 à 50% de la densité énergétique des carburants conventionnels (type diesel ou essence), ce qui ne disqualifie pas son usage commercial dans les transports,
- il est déjà utilisé en tant que carburant ou additif, en particulier dans les moteurs haute performance pour son indice d’octane élevé, et peut être mélangé avec des carburants conventionnels puis utilisé dans des moteurs thermiques existants.
2 – Un prix encore élevé
De 1985 à 2000, les prix du méthanol en Europe fluctuaient entre 200 et 450 $/tonne ; le biométhanol peut aujourd’hui être produit entre 300 et 800 $/tonne en cas de prix favorables des intrants en biomasse et selon les caractéristiques des sites de production. Le E-méthanol peut lui être produit dans une fourchette de 800 à 1600 $/tonne, en fonction notamment du prix de l’hydrogène bas-carbone (et donc de l’électricité pour le produire) et du CO2 valorisé.
Si le méthanol bas carbone n’est pour le moment pas compétitif avec le méthanol fossile, de nettes économies de coûts de production sont espérées avec le passage à l’échelle commerciale de certains projets. Le Methanol Institute dénombre aujourd’hui plus de 80 projets de production de Bio ou E-méthanol dans le monde en phase de développement avancé, ayant une capacité de production agrégée de 8 Mt par an à horizon 2027 (soit plus de 10 fois la production actuelle).
3 – Un intérêt pour le secteur maritime
Parmi les secteurs « Hard-to-Abate » très émetteurs de CO2, le transport maritime (3% des émissions mondiales de GES en 2018), dont la croissance est évaluée à 2% par an entre 2023 et 2027, fait partie des premiers intéressés au développement des filières de production de méthanol bas-carbone. Celles-ci peuvent permettre jusqu’à 94% de réduction d’émissions de GES en étant utilisées comme carburant maritime. Les propriétés physiques de cette molécule se portent en effet bien à sa consommation dans les navires les plus imposants (bénéficiant de grandes capacités de stockage), y compris dans les navires existants, qui pouvant être adaptés à la consommation de ce carburant alternatif.
Aux côtés du biométhane mais surtout de l’ammoniac, le méthanol se positionne parmi les principales options choisies par les armateurs mondiaux pour propulser leurs navires avec des carburants alternatifs bas-carbone. Le prix du méthanol face au fioul conventionnel, sa disponibilité à grande échelle et ses besoins en capacité de stockage restent pour le moment les principaux défis à relever pour ce secteur.
L’intérêt suscité par le méthanol bas carbone pour le fret maritime est déjà visible chez les géants du secteur au travers de leurs commandes de navires. A titre d’exemple, Maersk – 2nd armateur mondial – souhaite que 10% de sa flotte soit propulsée au méthanol d’ici 2030. CMA-CGM – 3éme armateur mondial – a quant à lui commandé 30 navires pouvant être propulsés au méthanol, ce qui appellerait un besoin de méthanol de 1,3 Mt par an dès 2027, soit plus de deux fois la consommation totale française actuelle.
Le défi reste maintenant pour les armateurs de pouvoir approvisionner leurs navires compatibles en méthanol bas carbone dans des volumes suffisants et des niveaux de prix acceptables, alors que la production bas-carbone est encore très faible à l’échelle mondiale.
Focus #2 – Les carburants d’aviation durables (SAF)
1 – Les grandes familles de SAF
Le kérozène (ou jet fuel) dispose aussi de solutions techniques pour être synthétisé à partir de sources bas-carbones et renouvelables. On parle alors de « Sustainable Aviation Fuel » (SAF). Ces solutions sont présentées comme centrales dans la décarbonation de l’aviation car elles ont la capacité d’éviter 65% à 90% des émissions de GES du kérozène conventionnel. Quatre grandes familles de SAF sont identifiées, bénéficiant de niveaux de maturité divers :
- « HEFA », une filière mature mais un potentiel limité par les ressources
Cet acronyme désigne la production de bio-SAF à base de biomasse oléagineuse (végétaux, animaux, huiles usagés). Cette filière est aujourd’hui la plus mature et utilisée dans l’aviation ; elle est notamment maitrisée par les acteurs de l’Oil & Gas, comme par exemple Total Energie dans ses raffineries françaises. Ces bio-SAF sont aujourd’hui mélangés au kérozène conventionnel, dans la limite de 50%. Les HEFA ne devraient pas être au cœur de la croissance globale des SAF, les gisements en biomasse étant à priori très limités.
- Les « Alcohol-to-Jet » pour recourir à d’autres types d’intrants biomasse
Toujours dans la famille des Bio-fuels, les procédés « Alcohol-to-Jet » visent à convertir par fermentation la biomasse en alcools (éthanol ou butanol le plus souvent). Cette filière n’est pas totalement mature car les alcools ne peuvent être utilisés comme tels dans un avion, et doivent être retraités avant utilisation. Des carburants Alcohol-to-Jet pouvant être mélangés jusqu’à 50% avec du kérozène fossile sont aujourd’hui certifiés. Cette filière représente à l’échelle mondiale une voie de développement majeure en matière de SAF.
- Gazéification et Fischer-Tropsch, un procédé ancien et maitrisé
Le procédé Fischer-Tropsch vise à convertir du syngas (gaz de synthèse) en hydrocarbures liquides via une réaction catalytique. Utilisé à grande échelle par l’Allemagne durant la seconde guerre mondiale pour son aviation militaire (via gazéification de charbon), ce procédé apparaît clef pour la production de SAF. La nature du carburant de synthèse (bio-SAF ou E-SAF) dépendra des sources utilisées pour la production de syngas.
- Les « Power-to-Liquid », la voie électrique source d’espoir
Ces technologies regroupent les modes de productions de E-SAF, à partir d’hydrogène bas carbone produit via électrolyse et de CO2 capturé et valorisé. Ces derniers peuvent utiliser le procédé Fischer-Tropsch décrit ci-dessus, mais aussi la synthèse de méthanol. Leur développement est clé pour atteindre les objectifs de décarbonation du secteur de l’aviation et soulager les besoins en biomasse des autres filières de production de SAF. Ces filières technologiques ne sont cependant pas encore matures et ne disposent pas de sites de production à échelle industrielle.
2 – Une demande (trop) importante
Les besoins en jet fuel décarboné sont immenses pour avoir un impact significatif sur les émissions de GES. En effet, le secteur aérien consomme aujourd’hui 300 Mt de kérozène par an dans le monde. La disponibilité en ressources primaires dans les ordres de grandeurs nécessaires, devient la contrainte première que rencontrent les filières de production de E-SAF et bio-SAF.
La multiplicité de ces filières ayant recours à diverses ressources (végétaux, déchets, électricité) pourrait permettre de partiellement contourner ces contraintes pesant sur le potentiel des SAF. Le marché a de tels besoins en volumes, que les quatre familles de SAF devraient être sollicitées malgré des écarts en termes de compétitivité de prix. Le potentiel des filières repose dès lors en premier lieu sur la disponibilité de leurs intrants.
La production de SAF dans le monde éprouvera des difficultés à excéder un tiers de la demande en jet fuel en 2050, alors que les prévisions des besoins du secteur aérien sont estimées à 390 Mt. Trois leviers sont identifiés pour permettre des volumes de production supérieurs, notamment de bio-SAF, dans les décennies à venir, à savoir :
- inciter les bioraffineries à produire du SAF en lieu et place des volumes de biodiesel et de bioéthanol,
- rendre la production de SAF prioritaire dans l’accès à la biomasse,
- dédier des quantités substantielles d’hydrogène vert aux raffineries de SAF afin d’augmenter le rendement du procédé Fischer-Tropsch.
Le potentiel limité des E-SAF met en exergue la concurrence déjà en cours sur l’utilisation des électrons bas-carbone dans le monde. Dans un contexte d’électrification massif des usages, il reste plus pertinent dans la majorité des pays d’utiliser l’électricité renouvelable ou bas-carbone produite pour décarboner les mix électriques ayant encore largement recours aux énergies fossiles, plutôt que de produire des E-SAF (et plus largement des E-fuels) alors que le rendement énergétique de ces filières est encore très défavorable.
A noter que les SAF ne devraient représenter qu’une partie de la décarbonation de l’aviation. Le secteur compte également beaucoup sur des économies de consommation en carburant des réacteurs.
3 – Un prix élevé
La composition du coût de production des SAF dépend du coût des matières premières, du coût des infrastructures immobilisées (CAPEX) et des coût opérationnels (OPEX). Ce coût dépend du type de filière de production choisi.
La filière HEFA concentre la vaste majorité de ses coûts dans ses intrants en biomasse et bénéficie de CAPEX et OPEX très faibles. Les filières Alcohol-to-Jet à partir de cultures dédiées et les E-SAF suivent aussi, dans une moindre mesure, cette logique de dépendance forte au coût des intrants biomasse et à l’électricité. En revanche, les filières impliquant la gazéification de déchets divers concentrent la majorité de ses coûts dans ses CAPEX et ses coûts opérationnels.
Les filières HEFA et Alcool-to-Jet sont aujourd’hui les plus compétitives, pouvant atteindre un facteur trois en termes de coûts de production par rapport au prix moyen des 10 dernières années du kérozène (600 $/t). Ces filières ont cependant un potentiel réduit en matière de baisse des coûts, comparativement aux filières E-SAF qui pourraient devenir aussi compétitives et atteindre le facteur trois face au jet fuel fossile, si elles parviennent notamment à améliorer leur rendement énergétique.
Conclusion
Les carburants alternatifs bas-carbone regroupent des réalités très diverses en matière de ressources primaires, de procédés industriels et de produits finaux. Ils portent cependant des défis communs qui freinent leur potentiel global de décarbonation, à savoir leurs coût intrinsèque et leur consommation de ressources contraintes, face à des besoins immenses et grandissants.
Les carburants alternatifs, solution contre les émissions de gaz à effet de serre, font finalement face aux défis adjacents du besoin en énergie de nos sociétés et de la pression exercée sur les ressources environnementales.
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